Sigrid CARRÉ LECOINDRE, auteure

MICKAËL

TEXTE. Benjamin Wangermée

PARTICIPATION À L'ÉCRITURE / REGARD DRAMATURGIQUE. Sigrid Carré-Lecoindre

MISE EN SCÈNE. Elie Triffault et Benjamin Wangermée

CRÉATION MUSICALE. Sébastien Gisbert et Ananda Cherrer

CRÉATION LUMIÈRE.François Pelaprat

CRÉATION VIDÉO. Elie Triffault

 

"Seul en scène, Benjamin Wangermée raconte les affres de Mickaël, jeune adolescent ne vivant que pour son idole, Michaël Jackson.

Mais la mort de ce dernier chamboule tous ses rêves.

Dans l’intimité d’une famille et de ses secrets, Mickaël, se retrouve sans but ni raison d’être, et se débat tant bien que mal dans ce vertige grandissant.

Incarnant tous les personnages, Benjamin Wangermée nous dresse le parcours initiatique d’un jeune homme qui tend à être lui, et à enlever le masque. Comme cette difficulté universelle, à la fin de l’adolescence,  à entrer pleinement dans le monde des adultes."

© Elie TRIFFAULT

"Ces mots là n'ont pas de sons, c'est une musique dans sa tête" MICKAËL (extrait)

NOTE D'INTENTION

"Mickaël, un adolescent de 17 ans, vit à Roubaix dans une famille qui subit un traumatisme, le départ et l’absence de la mère.

Cette absence semble à la fois la cause du refuge dangereux de Mickaël dans son idôlatrie pour Michael Jackson, et du désamour qu’il éprouve pour son père. Ce dernier tentant désespéremment, de redevenir aux yeux de son fils, le modèle qu’il n’est plus.

Ce sont tout particulièrement ces deux figures qui nous suivront tout au long de la pièce. Dans ce contexte familial particulier, père et fils vont essayer de re-communiquer ensemble et de revivifier cet amour perdu, ou oublié. 

 

En parallèle, la pièce interroge bien sûr ce que peut incarner l'idole, ce qu'elle représente en tant que modèle de construction individuelle (particulièrement chez l’adolescent) en personnalisant la ténacité, l'ambition et l'aspiration à la perfection. Mais le récit du spectacle amène aussi à penser le nécessaire et délicat détachement de l'idole. La difficulté d'apprendre à devenir et à être, indépendamment du modèle. 

Écrivant ce texte avec Sigrid Carré-Lecoindre, il s’est donc agit pour nous de tisser, avec humour aussi, le parcours initiatique d’un adolescent piégé dans ses fantasmes ou dans ses rêves, et qui aidé par un père aimant, tente de sortir de cette prison mentale.

 

Lorsque j’étais adolescent - il n’y a pas si longtemps - j’ai moi-même été grandement confronté aux problématiques qu’aborde ce spectacle.

Ma fascination pour Michael Jackson, refuge à la fois dangereux, enivrant et source de compulsions, m’a plongé dans un cercle vicieux très périlleux. J'étais perdu, identitairement, dans cette obsession d’être ou devenir la personne idolâtrée... La figure du sosie est d’ailleurs abordée dans ce spectacle.

 

Dans un monde où l’ordre religieux s’effrite ou se radicalise, et où en parallèle l’apostasie se normalise, un besoin d’icônes réelles, humaines, est devenu nécessaire aux hommes et aux sociétés dans leur ensemble. Ceci d'autant plus au sein de sociétés qui érigent, de plus en plus, au rang de valeur suprême le culte du corps, le culte de la performance, et le fantasme de la perfection atteignable (car n’étant plus l’apanage du divin).

Michaël Jackson est l’exemple absolu de ce phénomène. C’est un artiste de génie mais il a accepté et même encouragé sa propre «déification».

Il s’est perdu dans cette quête impossible. Il concentre lui-même beaucoup des thèmes que je veux aborder dans ce spectacle et devient une mise en abîme formidable du sujet.

Fruit de cette fin de 20ème siècle, de cette ère moderne en perte de repères, effrayée par elle-même, en quête d’un idéal disparu, exprimant son besoin vital de rêver à nouveau, Michael Jackson est le monstre du rêve moderne. Il incarne toutes les idoles, tous les héros, tous les monstres. Or, justement, "montrer" ce que l’idole au sens large représente est, au coeur de ce projet théâtral, une problématique essentielle." Benjamin WANGERMÉE

 

© Elie TRIFFAULT

SI JE ... JE / Extrait n°2

MICKAËL. (...) Attends-attends. Non non non. Idée de merde mec idée toute foireuse. Imagine que.

 

Je sais pas IMAGINE qu’à trop fixer l’ampoule là, je me shot la pupille ? Hein. Que je me crame la rétine à scruter cette foutue ampoule à économie d’énergie là qui collerait une migraine ophtalmique à un borgne trentenaire, HEIN si à coup de pari DEBILE, de pensée magique complètement inutile je me ruine la vision moi! 

 

Il se parle à lui même. T’y avais pas pensé à ça mec. Danseur-aveugle? Ca craint ça Break-dancer-aveugle, ça n’a jamais fait vendre ÇA. Musicien-aveugle à la rigueur, j’dis pas why not WHY NOT — y’en a pour qui ça a marché — mais break-dancer-aveugle…sans déconner. C’est un truc de cirque dans le meilleur des cas. Et qui connait une star dans le cirque ? Personne, personne ne connait de star dans le cirque, et tu sais pourquoi? Parce que ça EXISTE PAS. Le cirque tout le monde s’en tape. Franchement. Sans déconner. Laisse tomber laisse tomber l’ampoule. Trop risqué. (...)

POÈME / Extrait n°1

VOIX OFF.  Out, out out of Space Out

 

Of time out

of 

 

me...?

J’aurais peut-être dû / peut être J’aurais dû

Mais,

À quoi ça sert,

Hein?

de parler de

Ça, qu’on aurait du faire

Et qu’on a pas fait ou

trop tard

Too late, too late Out

out of me out 

 

Pouah ces mots qui me bouchent la bouche

POUAH 

 

J’aurais certainement mal au coeur. Après

De toutes ces avalées invasives. 

 

Parce que toujours le temps s’a — muse

À déverser son

monde 

 

En échos successifs

En battement de mesures

Accordées,

Au sanglot général,

À l’exigence autoritaire du « How to be »

How to

do » Too

late, too late...

le temps a laissé faire. Le monde a passé. TOUT le monde 

 

Sauf moi. C’est tombé de mes mains.Trop

d’électricité. Trop / de. 

 

Pouah

Out of me, of I

OUT OUT OUT .... Of my hands Out

of MY

Life... 

PROMESSE / EXTRAIT n°3

LE PÈRE. (...) — Buddy, écoute

J’ai adoré être ce père comme-les-autres, ému de la banalité de sa vie banale, et conscient de la chance qu’il a de la vivre avec toi. Ouvre les yeux fils / regarde moi.

Il faut que je te dise. Encore. Ces choses, que les hommes ne disent pas / toutes ces tendresses vaines, tous ces indissolubles, toutes ces vanités, ces mots ravalés en gorgées muettes — des fois qu’on ait l’air sot de les dire, — mais c’est de ne pas les dire qu’on est le plus con — si seulement on savait ça. 

JE T’AIME FILS. Hé. Réveille-toi. Regarde. Je te dis là. Je te parle. Maintenant, JE TE PARLE. Je t’invente la toute petitesse du père devant l’immensité du fils. Je te dis qu’on aura pas d’autre chance de se connaître TOI et MOI, qu’il faut prendre le virage, là. 

 

Tu m’entends? 

 

On aura pas pas d’autre chance. 

RÉVEILLE-TOI —  je n’aurai pas d’autre vie qui te contienne toi. Je suis si fier, si fier de

TOI. Allez, viens, écoute, on va trouver le chemin de tout ce fatras, réinventer un songe de vieux loups de mer, pour passer au travers de l’ouragan qui assiège ton coeur-bleu de Roi, 

 

c’est pas grave

c’est pas grave

c’est pas grave si les mots qu’on se dit ne veulent RIEN dire. On s’en fiche. L’important c’est de /

dire. 

L'ÂME RUSSE / Extrait n°4

VLADIMIR. Merci. Mickaël Première. J’ai dit Première !

Mickaël s'exécute. 

Bien. C'est très mauvais. On continue. Deuxième ! 
Mickaël s'exécute.
Nullissime. Mathurin, on stage. Montre exemple !
Il se lève. Troisième. Quatrième, cinquième... 

Mathurin, merveilleux.
Mickaël, rond de jambe !
Je tremble. Pas de biche! Immondice. Pas de bourrée ! C'est à chier. 

Mickaël, je vouloir tenue ! Rigueur ! (...)

Mickaël, vous allez vous déjacksoniser dans la seconde sinon moi faire mal vous.
Écart. Grand écart. – Et oui…( !), c’est douloureux…

Mathurin, magnifique, quelle grâce. Mickaël, trop de graisse ! 

Cabriole. Mazurka. Gargouillade. Fouetté. Fondu. Flic-Flac. 

Je craque ! Temps. Il respire. Joshua !!! (...)

Mickaël ! C'est massacre. Joshua, arrête ça ! Mathurin, magnifique ! Joshua !…(...) Arrêtez ça !

Plus de musique, s’il te plaît, Joshua... Mickaël stop !! (...)

Sortez tous ! Vous êtes virés ! Hors de ma vue. Vous aussi Mathurin, sortez ! Vous êtes bon, parce qu'il est mauvais ! Sortez

tous. C’est l’âme russe qu’on assassine. 

 

MICKAËL. À Vladimir, piteusement. Je suis vraiment désolé monsieur, je voulais pas…

 

VLADIMIR. Mickaël. J'ai 65 ans. La ceinture pelvienne écrasée, on m’a retiré 6 côtes, j'ai l’Atlas à la place coccyx, une hypérostose vertébrale ankylosante induisant induration plastique des corps caverneux des glandes de Bartholin, et on vient de me déceler une mucopolysaccharidose leuco encéphalomyélite multifocale progressive de type 2. 

À 6 ans, j'ai eu des amyotrophies spinales infantiles, et avant de naître, je souffrais déjà d'une atrophie optique héréditaire. 
Mais !!... c'est ta Jacksonite sur mon Tchaïkovski qui me fait souffrir...


LA PRESSE EN PARLE...

Festival d'Avignon OFF 2018

LA GRANDE PARADE — par Xavier PAQUET

MICKAËL : de la dangerosité de nos fascinations enfantines

"Très simple et très pur dans sa forme et sa sincérité, le texte met en lumière la dangerosité de nos fascinations enfantines, les troubles identitaires dans la construction et plus généralement les troubles obsessionnels et compulsifs qui peuvent en découler. Avec émotion, il nous emmène dans ce monde de l’image et cette prison mentale : enfermement de l’adolescent qui refuse le monde des adultes, enfermement de l’individu dans sa recherche d’identité et sa construction personnelle. On devine le caractère autobiographique de la pièce dans la justesse du comédien qui nous fait vibrer et captive par son humour, sa capacité à incarner l’ensemble des personnages et à les faire exister avec émotion."

 

LA PROVENCE — par Jocelyne BATTISTINI

MICKAËL (On aime)

"Il a 17 ans et s'appelle Mickaël comme son idole Michaël Jackson à qui il s'identifie totalement. Muré dans sa chambre, il répète inlassablement les chorégraphies de la vedette, jusqu'à ce que la nouvelle tombe : Michaël Jackson est mort ! L'adolescence n'est pas une période facile. Mickaël est timide et solitaire. Depuis que sa mère a quitté le domicile familial il souffre de cet abandon et se raccroche à ses rêves. Wangermée exécute avec justesse le moonwalk, ce célèbre pas glissé popularisé dans les années 80 par Michaël Jackson, mais il met tout son talent d'acteur à incarner les différents personnages qui interviennent dans ce "seul en scène". On passe donc du père au fils avec beaucoup d'émotion et de tendresse. C'est un spectacle touchant qui pose le problème de la construction de son identité à la puberté avec justesse, humour et beaucoup de sensibilité."